A  l’origine,  tout  le  delta  intérieur  du  Niger  était  sous  l’eau.  Progressivement,  l’eau  libéra  les  terres  qui  devinrent  verdoyantes.  De  larges  plaines s’étendaient  à  perte  de  vue,  de  nombreux  animaux  venaient  de  la  brousse  pour  s’abreuver.  Il  y  avait  du  poisson  en  abondance ;  le  climat  était  clément ;  la  nourriture  ne  manquait  pas.  C’est  pourquoi  certaines  personnes  pensent  que  le  nom  de  DJENNE  n’est  que  la  déformation  de  Al Jana : le  paradis.

Il  y  a  trèèès   longtemps,  une  grande  sécheresse  s’abattit  sur  le  Sahel,  à  la  suite  de  la  malédiction  du  serpent  Bida,  protecteur  du  Ouagadou.  Le serpent  Bida  exigeait  le  sacrifice d’une  vierge  tous  les  ans,  pour  assurer  la  prospérité  du  Ouagadou  et  de  ses  habitants.  IL  fut  tué  par  Mamadi  Séfé  Dokoté (Mamadou  le  taciturne)  qui  refusait  d’abandonner  sa  fiancée  au  python.  On  dit  qu’une  des sept  tètes  tranchées  du  python sacré  sur  le  Bouré  où  l’or  fut  abondant,  pendant  qu’une  grande  misère  anéantissait  le  Ouagadou, faisant  fuir  son  peuple.

A  la  suite  de  cette  grande  sécheresse  causée  par  la  mort  du  python  Bida,  les  populations  Soninké  émigrèrent  dans  différentes  régions  à  la  recherche  de  terres  plus  accueillantes.

Durant  cet  exode,  un  groupe  de  migrants,  faibles  et  amaigris,  dirigé  par  Turé  Kankédiaba  et  d’autres wago,  se  dirigea  vers  le  sud  du  fleuve  d’où  arrivaient,  du  temps  de  la  splendeur  du  Ouagadou,  le  riz,  le  mil,  et  le  poisson  séché.  Après  les  terribles  dunes  de  sable,  ils  arrivèrent  à  Nara  et  à  Gunbuaussi  éprouvés  par  la  sécheresse.  On  leur  proposa  de  rester  pour  partager  ce  triste  sort,  mais  Turé  Kankédiaba  et  les  siens  préférèrent  poursuivre  leur  voyage  vers  le  fleuve  jusqu’à  Diaboro  où,  depuis  très  longtemps,  certains  de  leurs  parents  étaient  installés.

Peu  à  peu,  ils  reprirent  leurs  activités.  Les  paysans  cultivèrent  les  terres  que  leurs  hôtes  bienveillants  leur  avaient  cédées.  Les  artisans  ouvrirent  des  ateliers,  les  commerçants  des  échoppes.  Chaque  jour,  Turé  Kankédiaba  et  ses  compagnons  s’assimilaient  un  peu  plus  aux  habitants.  En  quelques  années,  la  population d e  la  ville  tripla.

Dans  chaque  concession,  toutes  les  cases  étaient  occupées  par  des  familles  nombreuses.  Les  ruelles  étaient  grouillantes  de  monde  et  la  survie  devint  difficile.  Finalement,  un  jour,  Turé  Kankédiaba  alla  voir  le  chef Kanyato  pour  trouver  une  solution.  Après  avoir  consulté  le  conseil  des  anciens,  Kanyato  leur  proposa  d’aller  se  fixer  sur  le  plateau  de  Kanafa,  un  bel  emplacement,  non  loin  de  là.

C’est  ainsi  que des  immigrés  du  Ouagadou  commencèrent  à  aménager  Kanafa.  Tous  les  matins,  avant  le  lever  du  soleil,  ils se  rendaient  sur  les  chantiers,  aidés  par  leurs  hôtes.  Ils  déblayaent  les  terrains,  comblaient  les  trous,  traçaient  l’emplacement  des  maisons  et  les  limites  des  cours. 

Quand  le  banco  fut  préparé  par  les  apprentis  pour  monter  les  murs,  Bagoro,  le  chef  des  maçons (bari),  procéda  aux  sacrifices  pour  protéger  la  nouvelle  ville  contre  les  pluies  diluviennes  et  les  vents  violents.  Le  travail  pouvait  commencer.  Les  baris,  leurs  apprentis,  les  Wagadunku,  leurs  hôtes,  les  femmes  et  les  enfants  se  mirent  à  l’ouvrage.  Sous  la  main  habile  des  Bari,  les  murs  se  dressaient,  et  les  maisons  prenaient  forme.  Les  uns  chantaient,  les  autres  préparaient  le  mortier,  d’autres  encore  le  mettaient  dans  des  paniers  amenés  aux  baris  qui  construisaient.

Tout  se  passait  dans  l’enthousiasme ;  les  baris  voulaient  faire  de  la  nouvelle  ville,  une  des  plus  belles  du  pays.  Le  chantier  progressait  chaque  jour ;  les  murs  avaient  presque  atteint  la  hauteur  voulue.  Mais,  un  matin … quand  les  ouvriers  arrivèrent  sur  le  chantier,  ils  eurent  une  mauvaise  surprise : tout  s’était  écroulé  dans  la  nuit ..  les  briques  avaient  été  réduites  en  poussière … le  terrain  était  plat,  comme  si  rien  n’avait  jamais été  bâti  ..

Tous  les  bari,  tous  les  Gagadunku  et  leurs  hôtes  se  réunirent.  Ils  envoyèrent  chercher  les  maîtres  du  culte  du  Komo,  du  Koré  et  Kayantao.  Ils  décidèrent  de  reprendre  le  chantier  depuis  le  début  afin de  construire  une  belle  ville  prospère.  Maîtres  maçons,  apprentis,  Wagadunku  et  gens  de  Diaboro  se  remirent  à  l’œuvre. 

Quelques  uns  ramassèrent  l’argile,  commencèrent  à  la  pétrir  en  chantant …Ils  avaient  toujours  l’espoir  de  construire  la  nouvelle  cité.  Au  coucher  du  soleil,  Bagoro,  le  maître  maçon,  arrèta  le  travail.  Les  travailleurs  retournèrent  à  Diaboro  après  avoir  ramassé  leurs  outils.  Tard  le  soir,  Kakaï,  les  chef d es  cultes,  mit s es  habits  de  cérémonie,  sortit  de  chez  lui,  et  imita  le  cri  de  la  hyène.  Comme  par  enchantement,  le  devin  Mari  arrivé  près  de  lui,  suivi  par  son  ami  Kola.  Ils  se  dirigèrent  tous  les  trois  vers  le  fleuve  et  s’assirent  sur  la  rive.  Kakaï  regarda  vers  le  ciel :

-«  Divinités  de  la  terre,  du  ciel,  des  eaux,  nous  vous  demandons  de  préserver  notre  cité.  Nous  simples  mortels,  nous  vous  implorons  humblement ».

Il  cracha  les  déchets  de  kola  rouge  qu’il  croquait,  puis  égorgea  des  pigeons  sauvages,  deux  poulets  noirs  et  les  jeta  à  l’eau.  Enfin,  tout  le  monde  rentra  au  village.

Le  lendemain,  Bagoro,  ses  maçons,  les  Wagadunku  et  leurs  hôtes  retournèrent  sur  le  chantier.  Tout  était  intact.  Les  travaux  repartirent,  et  le  deuxième  jour,  les  murs  atteignaient  une  hauteur  raisonnable.  Le  troisième  jour,  quand  ils  arrivèrent  sur  le  chantier,  les  ouvriers  virent  avec  stupeur  que  les  murs  s’étaient  de  nouveau  effondrés.  Le  sol  était  complètement  plat,  recouvert  d’argile.

Sans  se  décourager,  les  baris,  les  Wagadunku  et  leurs  hôtes  reprirent  les  travaux ;  mais  à  chaque  fois  que  les  murs  atteignaient  une  hauteur  suffisante,  tout  s’effondrait  encore .. et encore …

Les  wagadunku,  les  gens  de  Diaboro,  Bagoro  et  ses  maçons  décidèrent  d’aller  voir  l’honorable  vieillard  à  la  barbe  chenue.  Dès  qu’il  les  vit  sur  le  pas  de  sa  porte,  il  les  arrêta  et  leur  dit :

-«  ne  partez  pas … je  connais  l’objet  de  votre  visite … Vous  avez  imploré  l’esprit  sacrifié  des  animaux .. et  ça  n’a  pas  marché .. !..  Cette  fois,  vous  voyez  que  les  choses  sont  plus  compliquées… J’ai  consulté  les  oracles  pendant  sept  nuits,  et  la  réponse  est  toujours  la  même :  il  faut  le  sacrifice  d’une  jeune  fille  vierge  Bozo,  et  noble.  Voilà  la  solution  à  votre  problème,  mes  amis :  une  jeune  fille,  mais  pas  n’importe  laquelle .. !.. »

Tous  ceux  qui  étaient  présents  furent  stupéfaits  de  son  propos  et  se  regardèrent  en  silence.  Finalement,  Bagoro  prit  la  parole :      –    »Honorable Baïkana, même pour la prospérité de la nouvelle cité et de son peuple, c’est trop demander ».

Baïkana balaya toute l’assemblée de son regard lointain et parla une voix grave :

– « Mes amis, si vous voulez que les murs des maisons de la  nouvelle ville résistent aux pluies soudaines et aux vents violents, vous devrez obéir aux dieux qui demandent  le sacrifice de l’unique fille de Madi Kayantao ». 

Tout le monde resta saisi par cette révélation. Madi Kayantao était là. Au bout d’un moment il s’avança :

– « Les dieux ont décidé. Je m’en remets à eux.La prospérité de la ville compte  beaucoup pour nous tous. Vos enfants, vos petits-enfants, vos arrières petits- enfants naîtront et pourront y vivre heureux. Je m’incline donc devant la volonté des dieux et l’intérêt de notre descendance ».

Personne ne dit mot. Un silence absolu tomba sur l’assemblée. Un à un, les hommes sortirent de la maison de Baïkana sans parler. Seul, Madi Kayantao resta dans la cour et quand tout le monde fut parti, il s’avança vers Baïkana, le sage vieillard.

– » Père, malgré la douleur de mon coeur de père, j’ai accepté le sacrifice de ma fille. Je sais qu’elle ne refusera pas. Nos ancêtres ont toujours œuvré pour la prospérité de notre peuple, souvent au prix de leur sang. Aujourd’hui, c’est le tour de ma fille. C’est son destin et c’est le nôtre ».

Baïkana, touché par les paroles de Madi, répondit :

– « Je connais ta famille. Personne ne peut nier ce que tes aïeux ont fait pour notre communauté. Ta famille a toujours accueilli les migrants, elle les a nourris,  logés, même quand elle n’avait pas grand-chose à partager. Ton attitude t’honore, et, à travers toi et ta fille, honore la mémoire de tes ancêtres ».

Madi Kayantao salua Baïkana d’un léger signe de la tète et sortit de la cour. L’esprit vide, il erra longtemps dans la ville avant de rentrer chez lui annoncer la terrible nouvelle. Sa fille, l’unique, la très belle Tapama, celle que les dieux lui avaient envoyée, celle qu’ils allaient lui reprendre. Tapama devait mourir. Sa peine était immense mais il acceptait ce destin sans douter.

Résigné, Madi Kayantao rentra finalement chez lui. Il fit appeler ses deux femmes, Tè Aminata et Tèna, et sa fille Tapama.

Quand les trois femmes furent assises devant lui, il dit:

 – « Tè Aminata et Tèna mes épouses, Tapama ma fille, pour que les murs de la ville que nous construisons tiennent debout et pour assurer la prospérité de cette cité, les dieux ont demandé de sacrifier une vierge bozo. Ils ont choisi notre fille Tapama ».

Tè Aminata n’était pas sûre d’avoir bien compris.

– » Sois plus clair, que veux-tu dire ? »

– » Vous n’ignorez pas que les travaux de la cité sont de nouveau arrêtés parce que les murs s’écroulent sans cesse ?

– » En quoi notre fille est-elle concernée par la construction de la ville de Kanafa ? demanda Tèna.

     Madi Kayantao regarda tristement loin devant lui.

     – » Les génies des lieux ne veulent pas laisser les bari faire leur travail. Chaque fois que les murs des maisons ont atteint la bonne hauteur, ils s’effondrent et l’argile e redevient poussière. Bagoro, le maître bari, Kola et Kakaï, nos chefs de culte ont fait tout ce qu’ils ont pu, mais en vain. Il a été décidé de consulter honorable Baïkana car il fallait trouver une solution pour poursuivre la construction, coûte que coûte. Baïkana a consulté les oracles et les dieux ont été formels : il faut sacrifier mon  unique fille pour que la ville soit construite ».

Les trois femmes étaient abasourdies. Enfin, Tè Aminata prit la  parole :

– »Ce n’est pas possible. Je ne peux accepter un tel malheur ».

   Tèna surenchérit :

– »Pourquoi notre Tapama et pas une autre ? »

Tapama, qui n’avait quitté des yeux le visage sombre de son père, répondit à sa place.

– » Mères chères à mon coeur, que pouvons-nous contre la volonté des dieux ?  Ils ont voulu  que je sois sacrifiée, ainsi soit-il, je le serai. Les Kayantao ne reculent jamais et n’ont jamais eu peur de la mort. Je suis une Kayantao et je n’ai pas peur de la mort. Père, j’espère que tu as donné ton accord ?

Oui, ma fille. Je savais que tu n’allais pas refuser. J’ai donc dit à l’honorable Baïkana de nous prévenir du jour du sacrifice dès qu’il le saura afin que nous puissions tous nous préparer à cette séparation fatale ».

Sur ces mots, les deux épouses Tè Aminata et Tèna éclatèrent en sanglots, se jetèrent par terre en criant leur désespoir. Alerté par tant de bruit, les voisins se précipitèrent dans la cour des Kayantao en demandant ce qui se passait. Les femmes aidèrent Tè Aminata et Tèna à se relever.  Tapama, très calme, observait cette agitation. Elle tenta d’apaiser les visiteurs.

– « Il n’y a rien, vous pouvez rentrer chez vous. Les dieux m’ont choisi pour être sacrifiée afin que la nouvelle citée puisse être édifiée. Mon père et moi, nous l’avons accepté. S’il vous plait, acceptez-le aussi. Mes mères pleurent, elles ont tort. Consolez-les ».  

  Les voisins se mirent aussi à pleurer. Nia, une proche voisine ne put s’empêcher de dire :

 – »Non, pas Tapama, pas notre jolie Tapama, elle qui est si bonne avec tout le monde, pas elle ! »

Madi Kayantao répondit :

– » Nos femmes ont de tout temps peiné pour les autres et pour la bonne marche de la collectivité. Nous n’avons jamais faibli quand la vie des autres et leur bonheur était en danger. Tapama est digne et fière, n’est-ce pas ma fille ?

– » Oui père. Je ne peux refuser la volonté des dieux. Si j’accepte le sacrifice, tout le monde doit l’accepter. La nouvelle ville sera construite et durera des siècles. Père, je suis honorée.

Le soir du septième jour du mois lunaire suivant, le crieur Kuamé passa informer la population dans les rues. 

– » Demain, la digne et belle Tapama sera sacrifiée aux génies pour que la nouvelle cité existe. Venez assister celle qui va donne sa vie pour que les murs de nos maisons résistent aux pluies abondantes et aux vents violents ».

    Les enfants suivaient Kuamé dans les ruelles en dansant.  

Le lendemain matin Té Aminata et Tèna habillèrent Tapama comme une mariée, boubou blanc et bijoux étincelants. Quand elle fut prête, les devins Baïkana, Kola et Kakaï, vêtus de leurs habits sacrés, vinrent la chercher en tenant à la main une queue d’hippopotame. Vers sept heures, Baïkana donna le signal du départ.

Les devins marchaient en tête, suivis par Tapama en tunique blanche, ses mères et leurs amis. Bagoro, ses maçons et Madi Kayantao se tenaient derrière. Plus loin, la foule des curieux suivait le cortège qui avançait lentement. Toute la ville était là. Enfin, ils arrivèrent au niveau de la future enceinte de la cité.   Bagoro et ses maçons approchèrent. Le mortier était prêt. Tapama vint se placer entre le tracé de deux murs. Bagoro donna l’ordre à ses hommes de monter les murs. Des maçons bâtissaient le mur devant elle et d’autres celui qui était derrière. Les murs s’élevaient au même rythme. Tapama restait droite, et elle répétait sans cesse : « Vous les Soninké, venus du Sahel, soyez toujours bons pour vos frères bozos. Ils vous ont tout donné. Ils ont même offert ma vie, celle de Tapama, la fille unique de Madi Kayantao ».

Les murs grimpaient toujours à vive allure. Bientôt, on ne vit plus la tête de Tapama, mais on entendait encore sa voix qui répétait le même message.

Quand les murs parallèles atteignirent une hauteur suffisante. Bagoro invita les jeunes à remplir l’espace de banco, là où Tapama se tenait debout. Peu à peu, la jeune fille disparut aux regards des villageois. Sa voix faiblissait progressivement mais on l’entendait toujours. Baïkana, Kola et Kakaï firent des incantations puis tout le monde retourna à Dioboro.

  Madi Kayantao resta seul en face du mur. Il n’entendait plus rien. La foule était loin. Alors, il posa sa tête contre le mur et se mit à pleurer comme un enfant.

– » Tapama,  ma  fille  bien  aimée,  tu  as  amené  la  joie dans  mon  foyer.  Tes premiers cris, tes premiers sourires me remplissent d’une joie immense. Tu étais ma seule enfant, celle qui me réveillait le matin et qui enchantait mes journées par ses rires. Aujourd’hui, tu t’en vas. Tapama, tu resteras à jamais dans mon coeur et dans la mémoire de notre peuple. Je souhaite que ton sacrifice ne soit pas vain et que toutes les communautés vivent dans l’entente et le bonheur dans le sein de cette future cité ».

      Puis, des larmes encore dans les veux, Madi Kayantao s’éloigna brutalement du mur et prit la direction du village. Il continuait à parler à Tapama.

– » Tapama, ma fille aujourd’hui tu es  devenue  Tapama  Djennépo  (  le  cadavre,  la  martyre,  de  Djénné).  Personne ne  t’oubliera.   Tu entreras dans l’histoire de notre pays comme une martyre».

Par la suite, tout le monde, sauf les anciens, oublièrent le patronyme Kayantao de Tapama. Elle devint Tapama Djénépo. Et ainsi dans les manuels scolaires des enfants maliens.

Du côté de la porte de Kanafa, les passants attentifs peuvent toujours entendre la voix lointaine de Tapama qui répète son message : Vous les Soninké, soyez toujours bons envers vos frères bozos. Ils vous ont tout donné, même mon dernier soupir. 

Pendant sept ans, sept mois et sept jours, les villageois observèrent le deuil de Tapama Djénépo. Ils faisaient attention à ne rien faire qui puisse troubler le repos de Tapama. Des devins offraient aux dieux des poulets et des béliers blancs. D’autres séjournaient pendant trois jours dans les eaux du fleuve et invoquaient Faro, le génie de l’eau, pour que le séjour de Tapama dans l’au-delà soit agréable.

Mais le travail sur le chantier avait repris. Bagoro, ses abris, les Soninké et les bozos étaient retournés à Kanafa. Les bari retraçaient l’emplacement des maisons, les apprentis préparaient le banco, les murs ne s’écroulaient plus. Le quarantième jour après la reprise des travaux, Baïkana vint sur le chantier accompagné des devins Mari et Kakaï. Levant les mains vers le ciel, il implora les esprits :

– » Dieux des cieux, de la terre. des eaux, du vent, génies de cet endroit, vous avez entendu nos prières, vous avez accepté le sacrifice de Tapama qui a admis son sort sans protester. Nous sommes désormais autorisés à nous installer ici, à bâtir cette nouvelle cité qui restera dans l’histoire de l’humanité ».

Des populations arrivèrent de partout pour s’établir à Djenné : Noirs, blancs venus de l’est et de l’ouest dans des pirogues, à dos d’âne, de cheval, de chameau.   Djenné devint une ville florissante avec un grand marché où se vendaient des produits venus des quatre coins du monde.

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Si vous allez à Djenné, faites un détour vers la porte de Kanafa, vous entendrez peut-être la voix de Tapama … 

… ou un soupir  …  

… à moins que ce ne soit le vent  …

A cette époque, en 1992, la tombe n’avait qu’une porte, la clé se trouvant chez la dame qui habitait tout à côté. On ne rentrait dans la tombe que pieds nus, et la tombe était à ciel ouvert. Il me semble que les arbres à l’arrière, ont disparu, des bâtiments sont venus, etc .. 

Sur le plan humanitaire, nous avons oeuvré au Mali, dès les  années 1992 et 1993 avec mon ami Alain et son épouse Michèle. Sans se soucier de l’avenir des quelques aides que nous apportions ici ou là. Mais l’ONG naissait ainsi, dans les faits. Microscopique … Puis, en 1996, l’idée est venue de créer une association, et de lui donner un nom : c’est celui de Tapama qui fut retenu; et pas besoin de longs palabres.

Dès que j’ai pu, en 2003, année où je pris ma retraite, je suis retourné au Mali, pour voir ce que tout cela était devenu.  Je décidais alors d’y passer plusieurs mois chaque année, et de faire de la petite association créée par quelques amis(e)s, une petite ONG, et  je commençais par me rendre sur le tombeau de Tapama, avec un chauffeur et son 4×4. 

 

Plus tard, en 2007, ce fut avec le 4×4 de l’association que nous nous rendîmes à Djénné rendre hommage à notre marraine.

Le panneau bleu, annonçant la tombe de mademoiselle Tapama, est celui de l’UNESCO avec son logo que l’on retrouve dans tous les sites du monde que l’UNESCO a classés, des pyramides égyptiennes au Mt St Michel …

Ces photos sont anciennes, mais nous les préférons à celles d’aujourd’hui.  Le site a beaucoup changé, et je ne suis pas certain que la paix règne aux abords de la tombe de la sainte N°1  de  Djénné … et de son nouvel environnement.

Nous avons souvent fait l’expérience de demander aux passants, à Bamako, s’ils connaissaient la signification du mot “Tapama”. Quelques uns, non lettrés, ne connaissaient pas. Beaucoup de connaissaient plus, mais après quelques mots,  retrouvaient celle qui leur fut enseignée lors de leur scolarité. Ils ne savaient pas que  DJENEPO n’était son patronyme, ni celui de son papa.  Djénépo est devenu son nom de légende, qui signifie “la martyre de Djénné”.  Mais tous étaient très honorés que ce nom soit devenu celui d’une ONG humanitaire qui agisse pour les femmes et les enfants .. et tant pis si un canadien a repris ce nom pour en faire le nom d’une entreprise, agence immobilière, avec le nom  www.tapama.com .. sans aucune gène apparemment  .. ben voyons ..!!..

Paix à ton âme, mademoiselle Tapama, repose en paix. Nous sommes heureux que tu revives un peu grâce à nous …

peut-être ressemblais-tu à cette jeune fille de 12 ans croisée je ne plus où  .. On ne le saura jamais ….

 

SignéJacquy PRUDOR, président et cofondateur de l’ONG humanitaire Tapama

 

Nota : vous pouvez aussi visiter la page  “Tapama Djénépo” de  l’encyclopédie Wikipédia; elle est très brève, et renvoie directement à la page de notre site .. précisément celle que vous lisez actuellement ..!!… nous sommes ravis d’être la référence de Wikipédia pour l’Histoire de notre marraine ..

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tapama_Djenepo